Une maison alsacienne à la pointe de l’écologie

PATRIMOINE – Cette maison à colombages du 18e siècle s’offre une seconde jeunesse. Pour la restaurer, ses propriétaires ont opté pour une isolation naturelle, par l’intérieur.

Solidement plantée dans le sol, l’impressionnante bâtisse résiste au temps qui passe. Avec ses colombages et ses Biberschwanz, des tuiles rouges “en queue de castor”, elle s’intègre parfaitement dans ce petit village d’Alsace, Schnersheim. Immuable… En apparence seulement. Car à l’intérieur, une ruche d’artisans s’active depuis cinq ans pour lui donner une nouvelle jeunesse. Le maître des lieux a vu les choses en grand.

« J’essaye de démontrer qu’on peut restaurer une maison vieille de 300 ans tout en ayant tout le confort moderne », explique Denis Elbel, 62 ans.

L’objectif est d’autant plus ambitieux qu’il veut faire de cette maison traditionnelle un modèle de performance énergétique, à la pointe de l’écologie.

Sauver les maisons à colombages

Chaque jour, une maison alsacienne comme celle-ci est détruite pour faire place à un bâtiment neuf. Les propriétaires choisissent souvent de mettre en route les bulldozers plutôt que de restaurer. Une situation que déplore Denis, qui milite avec l’Association pour la Sauvegarde de la Maison Alsacienne (Asma) pour sauver le patrimoine régional. Cette maison à colombages doit servir d’exemple. La visiter aux côtés de Denis, c’est embarquer pour une grande leçon d’histoire. En passionné insatiable, il a appris à en connaître chaque pièce de bois.

La bâtisse a été construite vers 1725, dans un village voisin. Un ancêtre de Malou Elbel, sa femme, l’a achetée en 1781. Il l’a aussitôt faite démonter, déplacer et remonter ici pièce par pièce, pour une raison qui s’est perdue avec le temps. Depuis, elle est restée dans la famille, toujours debout, même si elle s’est un peu affaissée.

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Depuis cinq ans, la maison subit sa première « grande visite« . Combien un tel chantier coûte-t-il ? « C’est la seule question à laquelle je ne réponds pas, élude Denis, qui ne veut décourager personne. Je suis perfectionniste, je choisis toujours la meilleure option, qui n’est généralement pas la moins chère. » (Il existe des aides pour financer les travaux de rénovation énergétique, on vous en parle plus bas, ndlr.)

On voit encore les traces de doigts de l’artisan qui a façonné ce mur en 1725. © Lisa Hör

Isolant naturel pour maison basse consommation

Pour préserver l’imposante façade à colombages, le couple a donc décidé d’isoler les murs de l’intérieur avec du chaux-chanvre, aussi appelé « béton de chanvre ». Un matériau naturel très isolant qui permet de stocker la chaleur dans les murs, tout en régulant l’humidité et en laissant respirer le bois.

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Et justement, Denis et Malou vont maintenant savoir si ces travaux d’isolation ont été efficaces. Une fois toutes les fenêtres fermées, les ouvertures bouchées et une « porte soufflante » (une bâche et un ventilateur) placée à l’entrée de la maison, le test d’étanchéité à l’air peut commencer… Le ventilateur fait monter la pression à l’intérieur du bâtiment, ce qui permet de détecter les fuites d’air. Au bout de deux heures de test, les propriétaires peuvent respirer. Avec seulement quelques ajustements, ils devraient obtenir le label Bâtiment Basse Consommation.
Et ce, sans dénaturer la maison. Dans la Stub, nom donné au salon traditionnel du rez-de-chaussée, toutes les boiseries d’époque ont été replacées une fois les murs isolés. « Je voulais restituer cette pièce dans son esprit d’origine« , précise Denis.

La Stub, pièce incontournable des maisons alsaciennes. © Lisa Hör

La Stub, pièce incontournable des maisons alsaciennes. © Lisa Hör »La maison a son histoire et chaque chose que l’on restaure ajoute encore des histoires« , complète Jean Rapp, l’ébéniste. Pour restaurer les poutres et les boiseries, il travaille du bois ancien, récupéré dans d’autres maisons alsaciennes. Les portes, lorsqu’elles ne sont pas chinées chez l’antiquaire, imitent à la perfection le style d’époque.

Une maison plus lumineuse et confortable

Pour autant, Denis Elbel ne s’interdit pas d’innover. Au rez-de-chaussée, le niveau des planchers a été égalisé, sans aucun seuil, pour que sa mère puisse accéder à toutes les pièces en fauteuil roulant. Au premier, une grande baie vitrée a été créée pour laisser entrer la lumière.

Cette nouvelle ouverture rend la maison bien plus lumineuse. © Lisa Hör

Malou a aussi tenu à déplacer l’escalier, pour plus de lumière et de modernité. À l’origine situé immédiatement à côté de la porte d’entrée, il trône dorénavant au centre de la maison, et relie tous les étages, de la cave au grenier.
Pour la restauration des fenêtres, un artisan a mis au point un prototype inédit. Un double vitrage quasiment invisible, qui permet de conserver la forme en croix de la fenêtre et la largeur originale des montants.

Les croisées s’ouvrent en deux temps, comme au 18e siècle. © Lisa Hör

Les croisées s’ouvrent en deux temps, comme au 18e siècle. © Lisa Hör »Finalement, il n’y avait pas grand-chose à faire dans cette maison ! » C’est ce que les visiteurs s’exclament souvent d’après Denis. Et rien ne saurait lui faire plus plaisir. « Une bonne restauration ne se voit pas« , conclut-il.