Qui n’a jamais rêvé d’habiter une vieille bâtisse pleine de charme ? Rencontre avec deux couples qui restaurent chacun une maison alsacienne.
Tout les sépare : ils sont de deux générations différentes, ont des moyens financiers très éloignés et tandis que l’un vient d’emménager dans un corps de ferme du XVIIIe siècle magnifiquement restauré, l’autre est encore pour un moment au milieu des gravats et des échafaudages…
Tout sépare ces deux couples. Tout sauf la passion de la maison à colombages. Delphine Haehnel, 27 ans, et Aymeric Ney, 26 ans, ont trouvé la demeure de leur rêve à Lampertsloch, entre Haguenau et Wissembourg. Ils ont eu le coup de foudre pour cette majestueuse bâtisse de 1711, qui surplombe la commune d’un peu plus de 700 âmes située dans le parc naturel régional des Vosges du Nord. « On a tout de suite aimé le village, ses maisons à colombages, le calme qui y règne, les gens… », se souvient Delphine.
Ils ont conclu l’affaire en moins d’une heure. « Il y a un engouement pour l’ancien. Dans la demi-heure suivant la parution de l’annonce sur internet, le vendeur a reçu une demi-douzaine d’appels. Beaucoup d’Allemands recherchent ce type de biens », explique Aymeric.
Sept mille tuiles nettoyées à la main
Depuis qu’ils ont acheté cette maison, le 29 décembre 2014, ils y consacrent leurs week-ends et vacances. Ils ont « descendu les sept mille tuiles de la toiture (équivalent de neuf tonnes) et les ont brossées dans de grandes bassines en zinc remplies avec l’eau du puits », aidés par leurs familles, amis et collègues, raconte Delphine. Pendant ce temps, son compagnon, couvreur de profession, « redressait la charpente, refaisait le lattage et réinstallait les tuiles en panachant les couleurs afin de donner à la toiture un aspect ancien ». Ils ont entrepris de restaurer leur habitation en respectant les traditions et l’environnement : des fenêtres en chêne sur mesure au poêle à bois, en passant par la réutilisation de l’ancien torchis entre les colombages.
Manipulatrice en imagerie médicale, Delphine s’est découvert « une passion pour la rénovation en mettant la main à la pâte », alors qu’Aymeric « a toujours été attiré par les vieilles maisons, les vieilles voitures…» Cette rénovation, ils la mènent sans aucune aide financière d’institution, « parce que c’est compliqué et que ça change tout le temps… » Ils organisent des barbecues pour remercier ceux qui viennent leur donner un coup de main et font appel à des artisans (menuisier, ébéniste, maçon…) sélectionnés pour leur savoir-faire. « Les gens du village viennent nous encourager. Ils apprécient que nous nous occupions de cette demeure qui était abandonnée depuis 1978 ». Ils espèrent pendre la crémaillère de leur 170 m2 sur deux niveaux, avec quatre chambres et deux salles de bain, en décembre 2017. « Il y a sept nounous dans le village et une école primaire », a déjà compté Delphine.
« L’idée était de faire une maison qui nous plaise avec le renfort du XXIe siècle »
« Le but était de faire le mieux possible… » Prononcée par Denis Elbel, cette phrase est à prendre au pied de la lettre. Pour son corps de ferme à Schnersheim – deux niveaux d’habitation de 200 m2 chacun, un grenier et une cave à vin rétablie dans l’état où elle était au XVIIIe siècle-, l’ancien directeur régional de Vinci (Alsace, Lorraine, Champagne-Ardenne) a réussi un double pari : décrocher le label de la Fondation du patrimoine, délivré sous contrôle d’un architecte des bâtiments de France, et obtenir la mention BBC décernée aux habitations à basse consommation d’énergie.
« Des maisons alsaciennes aux normes BBC rénovation, il n’y en pas beaucoup. Je suis allé au bout de toutes les contraintes en n’utilisant que des matériaux naturels. C’est une demeure expérimentale », se félicite cet ingénieur de formation (Ecole centrale Paris). La bâtisse, qui a toujours été dans la famille de son épouse, a une longue histoire. En 1781, elle est démontée à Schwindratzheim et remontée à Schnersheim sur une cave qui date de 1717-1718, vestige d’une précédente habitation. « Je n’ai pas retrouvé son emplacement d’origine à Schwindratzheim, mais j’ai voulu connaître son âge et fait effectuer des datations sur le bois : elle remonte à 1727-1728 », indique Denis Elbel.
Après plus de cinq ans de travaux, le résultat impressionne. Ce corps de ferme « est reparti pour trois cents ans », se félicite son propriétaire. Chaudière à bois, ventilation double flux, enduit à la chaux sur les murs du rez-de-chaussée et à la terre sur ceux du premier étage, plafonds peints, poêle en faïence et, clou du spectacle, monumental escalier en bois qui court de la cave au grenier au centre de la maison… Toute la restauration, mais aussi l’aménagement et la décoration intérieurs, ont été réalisés dans le respect des traditions en faisant appel aux meilleurs artisans de la région. Au total, une cinquantaine d’entreprises sont intervenues, ainsi que deux architectes, Jean-Christophe Brua et Claude Eichwald.
Denis Elbel est intarissable : « L’idée était de faire une maison qui nous plaise avec le renfort du XXIe siècle. Nous souhaitions allier le confort, la tradition et la beauté. »
DOSSIER RÉALISÉ PAR PASCAL MAZOUÉ